Quels sont les principaux défis techniques, économiques et sociaux à relever dans la transition vers une mobilité urbaine durable et inclusive?
Des spĂ©cialistes de diffĂ©rentes disciplines ont tentĂ© de rĂ©pondre Ă cette question lors de la première Table ronde sur le transport durable organisĂ©e par l’Initiative de croissance durable (ICD) de l’UniversitĂ© ş«ąúÂăÎč et commanditĂ©e par . Lors de cet Ă©vĂ©nement, Zahoor Chughtai, directeur associĂ© de l’ICD, a accueilli des chercheurs et chercheuses ainsi que des reprĂ©sentants et reprĂ©sentantes d’entreprises afin de discuter des solutions pour rĂ©duire la dĂ©pendance excessive des transports aux combustibles fossiles grâce aux vĂ©hicules Ă©lectriques. Le transport est la deuxième source de gaz Ă effet de serre au Canada et gĂ©nère 21 % des Ă©missions. Kevin Manaugh, chef du Bureau de la mobilitĂ© durable de l’ICD, prĂ´ne les solutions collaboratives : « Le concept d’amĂ©lioration peut Ă©voquer la crĂ©ation de nouveaux espaces verts pour un urbaniste, ou un nombre accru de vĂ©hicules circulant sans congestion routière pour un ingĂ©nieur. Il faut se doter d’un vocabulaire du changement. » M. Manaugh a prĂ©sentĂ© les trois principaux volets de la mobilitĂ© durable : le vĂ©lo, la marche et les transports en commun.
Marginalisation de la marche : la disparition et le retour d’une mobilité urbaine durable
Peter Norton, professeur agrégé à l’Université de Virginie, a commencé ainsi le discours principal : « La meilleure chose que l’on peut faire pour l’avenir est de se tourner vers le passé et de réfléchir à ce que l’on a perdu au fil du temps afin de mettre au jour toutes les possibilités qui sont si souvent négligées, critiquées ou ignorées sous prétexte qu’elles ne sont plus possibles aujourd’hui. » Il explique qu’au lieu de s’employer à remplacer les réseaux ferroviaires ou à éliminer les voitures – des solutions à fortes émissions de carbone –, les spécialistes cherchent des façons de favoriser les déplacements dans les zones urbaines et rurales sans placer les véhicules à l’avant-plan. Faisant référence à la critique de Carter Woodson envers les chercheurs et chercheuses qui utilisaient l’histoire pour justifier la ségrégation et la privation du droit de vote, M. Norton a indiqué que la dépendance actuelle aux voitures s’expliquait par le fait que des entreprises comme General Motors avaient retiré le droit d’utiliser l’espace aux personnes qui circulent à pied ou à vélo, et particulièrement aux enfants. M. Norton a présenté la publicité de General Motors illustrant l’histoire d’amour entre le peuple américain et l’automobile pour vendre ses produits et promouvoir le style de vie d’une minorité de personnes bien nanties comme l’idéal à atteindre pour l’avenir du pays sous le couvert d’un engouement culturel.
Discussions Ă©clairs
Le discours principal de M. Norton a été suivi d’une ronde de discussions éclairs. Dix diplômés et diplômées avaient cinq minutes chacun pour présenter leur vision du transport durable. Lexi Kinman, Daniel Romm, Jerome Laviolette, Dan Qiang, Hannah Rebentisch, Maxime Belanger De Blois, Dominique Boulet, Pegah Salsabilian, Noah Kelly et Paul Redelmeier y participaient. Cette ronde donnait un aperçu des tendances émergentes, des solutions novatrices et des enjeux pressants qui façonneront l’avenir de la mobilité urbaine. Les sujets traités allaient de l’utilisation des données sur les autobus à la possibilité de rendre le transport gratuit pour les personnes en situation d’itinérance. La discussion s’est poursuivie sur le rôle de plateformes comme , un outil conçu pour faire progresser le développement durable en ville. Trois tables rondes tenues en après-midi couvraient les thèmes de l’éducation, du partage des rues en ville et du transport ferroviaire régional.
Les principes du développement durable dans l’enseignement relatif aux transports et l’évolution de la conception des rues de Montréal
M. Norton, Owen Waygood, professeur en génie du transport à Polytechnique Montréal, et Madhav Badami, professeur agrégé à l’École d’urbanisme et à l’École de l’environnement Bieler, ont discuté des pratiques exemplaires dans l’enseignement relatif aux transports. Ils ont fait la distinction entre les rôles des ingénieurs et ingénieures, du personnel enseignant et des historiens et historiennes pour atténuer la crise climatique et ont discuté des façons d’arriver à des solutions durables grâce à la collaboration. M. Waygood a attiré l’attention sur la formation en génie à l’ère des transports modernes. « On disait aux ingénieurs et ingénieures que leur travail avait pour but de faciliter la circulation des véhicules à moteur. On croyait qu’ils élimineraient la congestion routière », explique-t-il. M. Badami a poursuivi en ajoutant que les facteurs sociaux externes faisaient partie intégrante des systèmes de transport mondiaux, c’est-à -dire que les solutions devaient tenir compte des enjeux, des politiques et de la réalité économique à l’échelle locale. Selon lui, le développement durable est « essentiellement une obligation morale à assurer le bien-être des générations futures ». Autrement dit, il désigne l’équité intergénérationnelle. Ainsi, on peut se demander dans quelle mesure les initiatives de mobilité urbaine à Montréal pourraient servir de modèles pour atténuer les répercussions environnementales et sociales des systèmes de transport fondés sur l’automobile en Amérique du Nord.
Bartek Komorowski, spécialiste de la mobilité urbaine, et Magali Bebronne, directrice des programmes à Vélo Québec, se sont penchés sur la question lors de la quatrième table ronde de la journée, qui portait sur le partage de l’espace, un thème qui avait également été traité par M. Norton et les diplômés et diplômées tout au long de la journée. Pour réduire l’utilisation de l’automobile, M. Komorowski a plaidé pour l’intégration de considérations relatives à l’accessibilité universelle comme les facultés cognitives, auditives, visuelles et motrices. Il ajoute : « Partout dans la ville, on reprogramme les feux piétonniers en fonction d’une vitesse de marche moins rapide. On demande aussi des infrastructures vertes. On veut que les rues jouent un rôle dans l’atténuation des changements climatiques. »
Table ronde sur le transport ferroviaire régional
Lors d’une dernière table ronde, M. Manaugh a soulignĂ© le potentiel transformateur des rĂ©seaux ferroviaires. Il a invitĂ© les panĂ©listes Rodrigo Victoriano, Ă©tudiant au doctorat Ă l’École d’urbanisme de l’UniversitĂ© ş«ąúÂăÎč, Jean-François Cantin, de l’AutoritĂ© rĂ©gionale de transport mĂ©tropolitain (), et Ian Hodkinson, chef des solutions techniques Ă Alstom, Ă discuter de l’état actuel du rĂ©seau ferroviaire rĂ©gional ainsi que des principaux obstacles au dĂ©veloppement durable.
Selon M. Victoriano : « Montréal dispose d’un réseau très efficace, c’est pourquoi les interventions se limitent habituellement à de petites améliorations relatives à la durée des déplacements. » Il met en garde contre l’embourgeoisement et les déplacements au Canada, un sujet approfondi par M. Cantin en tant que membre de la division de la modélisation et de la planification de l’ARTM. M. Cantin a salué le développement sur la Rive-Sud ainsi que des projets comme le REM, en précisant qu’il faudrait améliorer la communication entre les administrations et les parties prenantes. M. Hodkinson a exprimé des préoccupations relatives à la participation de plus en plus courante aux projets d’envergure d’entités privées ou semi-privées dont les intérêts en matière de profit ne reflètent pas les intérêts publics.
Dans leurs efforts pour surmonter les obstacles techniques, politiques et économiques à la mise en place de systèmes de transport durables, les décisionnaires et les parties prenantes doivent garder à l’esprit que le succès des rues où l’on accorde la priorité aux personnes qui circulent à pied ou à vélo ainsi qu’aux transports en commun a été historiquement démontré.
La Table ronde sur le transport durable de l’Initiative de croissance durable a enregistré un franc succès. Des spécialistes de diverses disciplines se sont réunis pour collaborer à l’élaboration de solutions et combler le fossé entre les domaines de l’enseignement, des affaires et de la politique. Ils ont ainsi créé un précédent important pour les futures initiatives et discussions sur le transport durable. Nous remercions toutes les personnes participantes pour leurs précieuses contributions à ce dialogue crucial.